Un tympan itinérant
Parmi les nombreuses constructions déplacées à Paris, celle-ci n’atteint pas les records de distance : quelques mètres séparent le tympan du portail de Sainte-Anne de son emplacement d’origine vraisemblable, sur la façade de l’ancienne cathédrale cathédrale Saint-Etienne. C’est en effet à saint Etienne qu’était dédiée la cathédrale que l’évêque Maurice de Sully fit démolir pour construire la nouvelle cathédrale dédiée à la Vierge, commencée en 1163. Le remploi de ce tympan aux motifs mariaux s’imposait donc. Sculpté vers 1150, il a été modifié pour s’adapter au nouveau cadre qui l’a reçu vers 1210. La translation et la modification du tympan sont encore l’objet de débats parmi les historiens de l’art (voir les références en bas de page) et certaines interprétations ne sont pas encore bien arrêtées.
Les sculptures
A partir de la fin du XIVe siècle la Vierge sera représentée agenouillée, dans une attitude d’adoration. Mais ici, au linteau supérieur, la Vierge apparaît couchée, selon l’usage de l’époque. L’enfant est dans un berceau au-dessus d’elle réchauffé par l’âne et le bœuf qui voisinent avec le chœur des anges. Refus des hiérarchies ou unité des mondes terrestres et célestes?
Les figurations varient selon qu’on met l’accent sur la divinité ou l’humanité du Christ. Mais ici, le relief de la naissance du Christ, très expressif, s’inscrit dans une tradition déjà longue de représentations naturalistes de cette scène. C’est la généalogie « terrestre » du Christ qui est mise en avant au moyen de la représentation du mariage de sainte Anne et de Joachim, ses grands-parents et du mariage de Marie et Joseph. Ces deux mariages sont représentés sur le linteau inférieur, ajouté pour l’adaptation du tympan à son nouveau cadre. Toujours dans une perspective généalogique, le roi David est représenté dans l’ébrasement du portail.
Les trois mages, à l’avant dernière étape de leur périple, demandent à Hérode où se trouve le « nouveau roi des Juifs ». Leurs regards questionnent, Hérode s’impatiente en attendant la réponse des docteurs qui examinent avec étonnement le texte où ils semblent trouver ce qu’ils n’attendaient pas.
Les personnages sont trapus, le volume de la tête est privilégié, l’expression l’emportant sur l’exactitude des proportions des corps.
De chaque côté du portail, les ébrasements reçoivent les statues de saint Pierre, saint Paul, du roi David et d’autres rois et reines bibliques. Sur le trumeau central se trouve une statue de saint Marcel, neuvième évêque de Paris. Cet ensemble de statues a été détruit à la Révolution, on voit aujourd’hui des restitutions du XIXe siècle, sculptées à la demande de Viollet-le-Duc.
Le tympan est visible lors de la visite de l’île de la Cité.Portail sainte Anne Notre-Dame
Pour aller plus loin
- Jean-Pierre Cartier, « Le portail Sainte-Anne », dans André-Vingt-Trois (dir.), Notre-Dame de Paris, Strasbourg, La Nuée bleue, (coll. La grâce d’une cathédrale), p. 175-180.
- Damien Berné, « Le portail Sainte-Anne de Notre-Dame de Paris: le renouvellement du modèle chartrain par l’accentuation des références byzantinisantes », dans Damien Berné et Philippe Plagnieux (dir.), Naissance de la sculpture gothique, Paris, RMN, Musée de Cluny, 2018, p. 207-217.
- Francis Salet, « Le portail Sainte-Anne de Notre-Dame de Paris » [compte-rendu des travaux de Jean Thirion], Bulletin Monumental Année 1970, 128-3 p. 240-242.
- – Illiana Kasarska, « Les sculptures du XIIe siècle au portail Sainte-Anne à Notre-Dame de Paris », Bulletin Monumental Année 2001, 159-2 p. 183-184.
- La tête de la statue du roi David, qui se trouvait dans l’ébrasement du portail jusqu’à la Révolution, au Metropolitan Museum of Art à New-York.