Auguste Perret et son frère Gustave achèvent ici en 1932 un immeuble d’habitation sur une parcelle difficile : un triangle étroit et un fort dénivelé. C’est dans cet immeuble que Perret habite, au dernier étage, jusqu’à sa mort en 1954. Son agence d’architecture se trouve au rez-de-chaussée et en sous-sol mais elle est éclairée par de généreuses baies sur la rue Berton. Chaque étage est occupé par un seul appartement.
L’ordre du béton armé
L’immeuble est un manifeste de l’architecture selon Auguste Perret. Le béton est apparent car la structure doit être visible, c’est le premier principe du rationalisme constructif: poteaux et poutres se montrent, et les parties de remplissage doivent se distinguer de la structure par leur couleur. À la différence du 25 bis rue Franklin construit – et habité – par Perret une trentaine d’années plus tôt, le béton n’est pas recouvert de céramique, c’est une première à Paris. Le béton a acquis ses lettres de noblesse et « l’ordre du béton armé » mis en forme par Auguste Perret trouve ici son expression totale. En effet, ce matériau renouvelle l’architecture sans en abolir l’histoire. Les ouvertures sont nombreuses mais leurs proportions se conforment à celles de l’immeuble du rapport du XIXe siècle. Les saillies en façade reproduisent les oriels post-haussmanniens. On trouve même des balcons filants à l’avant-dernier étage. Perret semble mettre un point d’honneur à ne pas dessiner de fenêtres horizontales chères au mouvement moderne. La fenêtre est verticale, elle est faite pour l’homme debout.
Une marque de fabrique
Les chambranles très saillants des baies, le remplissage avec des panneaux de ciment aux tons variés vont devenir une marque de fabrique d’Auguste Perret: on les retrouve dans la reconstruction spectaculaire du Havre. C’est dans son agence de la rue Raynouard que Perret a dessiné le Havre après la Deuxième Guerre mondiale, et il a pris son propre immeuble pour modèle.
La rigueur de la construction est visible sur toutes la façades, c’est là la grande différence avec les autres immeubles de la rue Raynouard où les architectes ont volontiers utilisé le béton, mais en le dissimulant derrière un enduit ou des pierres.
Toutefois, l’agence d’architecture, qui donne sur la rue Berton, est éclairée par une baie continue horizontale, probablement la seule dans toutes les constructions de Perret.
Après la mort de Perret, Fernand Pouillon installera ici son agence. L’appartement d’Auguste Perret a été conservé; il est la propriété de l’Académie des beaux-arts, il est administré par la Fondation Auguste Perret, il ne se visite pas.
A propos de l’immeuble de Perret 51 rue Raynouard
- L’extérieur de l’immeuble est visible lors de la visite sur le béton.
- Comparer le 51 rue Raynouard et le 25 bis rue Franklin.
- Hervé Martin, Guide de l’architecture moderne à Paris 1900-1990, Syros, p. 184.
- Simon Texier, Paris Grammaire de l’architecture XXe XXIe siècles, Parigramme, pp. 117 et 136.
- Simon Texier, Architectures brutalistes Paris et ses environs, Parigramme, p. 16-17.
- Quelques images de l’appartement de Perret par la Fondation Auguste Perret sur le site de l’Académie des beaux-arts.
- Plans, élévations, photographies du chantier et le de l’agence avec son escalier remarquable sur Archiwebture, site d’archives de la Cité de l’architecture et du patrimoine.