Connu pour l’immeuble à gradins de la rue Vavin ou la villa Majorelle à Nancy, Henri Sauvage (1873-1932) saisit toutes les possibilités qu’offrent les débats de son temps sur l’art et l’architecture. Il est sensible au courant hygiéniste, mais c’est le rationalisme constructif qui le caractérise d’abord : ce qui est visible résulte de la fonction du bâtiment et de sa structure. Disciple de Frantz Jourdain, Sauvage suit un temps les chemins de l’Art nouveau, puis les abandonne pour ceux de l’Art déco. Architecte du métal à la Samaritaine, il utilise pourtant majoritairement le béton. C’est le cas ici avec le Studio-Building.
Volume et rythme
On distingue facilement trois niveaux principaux au nord et au sud, où les appartements sont des studios avec double hauteur sur rue et deux niveaux côté intérieur. En revanche, on compte six niveaux à l’ouest; ces niveaux se combinent deux à deux avec la grande baie centrale et les baies d’angle de double hauteur pour constituer trois appartements à cheval sur deux niveaux.
L’accès aux appartements se fait par des galeries donnant sur la cour intérieure carrelée en blanc. Les galeries, aux fenêtres basses et allongées, occupent un étage sur deux côté cour, l’autre étage étant occupé par des pièces de duplex. L’ascenseur et les escaliers sont logés dans l’aile est, éclairée par une cour mitoyenne.
La structure est en béton armé. Les façades sont faites de briques et de plaques de plâtre séparées par un vide d’air, une isolation peu commune à cette période. Le luxe technique se trouvait aussi à l’origine dans les bacs en sous-sol qui recevaient les déchets par les vide-ordures et qui étaient ensuite chargés dans des wagonnets conduits jusqu’à l’extérieur par un monte-charge.
Gentil et Bourdet, une céramique architecturale pour le Studio-Building
La céramique d’Alphonse Gentil et Eugène Bourdet accentue l’opposition entre la base et l’immense volume qu’elle supporte. La couleur des grès cérames contribue à l’impression de détachement du sol : une ligne de carreaux noirs surmontée d’un liseré blanc entoure tout l’édifice pour séparer nettement le rez-de-chaussée sombre, qui semble en retrait, de la masse claire qui le domine. Les rectangles oblongs verticaux alternés couvrent uniquement les bow-windows et les pans coupés. Ainsi, les bow-windows apparaissent comme des variations sur l’angle de l’immeuble. Hormis ces volumes, la façade est sans relief de la plinthe à la corniche, seuls les carreaux qui séparent les rectangles blancs forment de très légères lignes de saillie. Gentil et Bourdet n’étaient pas connus pour ce genre de motifs abstraits ; élèves de Victor Laloux, leur notoriété s’était faite par des motifs floraux et géométriques d’une grande élégance. Ils manifestent ici l’adaptation de leur art à un programme nouveau en demeurant fidèles à l’unité du décor et de l’architecture.
Avec une sobriété efficace ils soulignent l’architecture dans un autre immeuble, contemporain du Studio-Building, celui des frères Hennequet rue Franklin-Roosevelt (voir la visite sur le béton) où la céramique rythme la façade en soulignant les arêtes. Avec le Studio-Building, Sauvage, Gentil et Bourdet se démarquent du purisme corbuséen en manifestant que le décor peut être partie prenante de l’architecture.
Le Studio-Building est visible lors de la visite Le Corbusier et les Modernes.
Pour en savoir plus sur le Studio-Building
- Une photo de la fin du chantier conservée aux archives de l’Institut français d’architecture.
- La revue L’Architecte, 1930, n° 6, en ligne sur le site de la bibliothèque de la Cité de l’architecture.
- Jean-Baptiste Minaert, Henri Sauvage, éd. du Patrimoine, 2011.
- Voir l’article sur l’immeuble de Sauvage et Sarazin au 26, rue Vavin.