Au coeur du Marais, l’hôtel de Sully est largement ouvert aux passants et aux curieux. Elevé dans la première moitié du XVIIe siècle, il offre au regard le modèle classique de la distribution et une architecture soignée, accompagnée d’un décor parfois surprenant.
L’hôtel de Sully est visible lors de la visite du Marais.
Construction mouvementée de l’hôtel de Sully
En 1624, le banquier Mesme Gallet, seigneur du Petit-Thouars et de la Taille, entreprend la construction de l’hôtel. Il fait appel à Jean Androuet du Cerceau, le célèbre auteur de l’escalier en fer à cheval de Fontainebleau. Les plans d’origine sont perdus. Cependant, l’hôtel a été dessiné et ses plans relevés par Jean Marot peu après son achèvement.
En 1626 le chantier en est au niveau des lucarnes du corps central, mais les ailes sur cour son moins avancées. L’orangerie et l’appartement qui la surmonte sont terminés.
La passion du jeu et les dettes de Mesme Gallet l’ont forcé à vendre son hôtel inachevé le 4 décembre 1627 à Jean Habert, son principal créancier. Quatre mois plus tard, l’hôtel est revendu à Roland de Neufbourg pour le compte de son gendre, François Poussard. C’est Neufbourg qui achète en 1628 les maisons donnant sur la rue Saint-Antoine afin de les démolir pour achever la construction de l’hôtel. De longues procédures ont en effet retardé l’acquisition de tous les terrains nécessaires, et le gros oeuvre n’est achevé qu’en 1630. En 1634, l’hôtel flambant neuf est acheté par Sully, le ministre d’Henri IV, alors âgé de 74 ans.
L’aile en retour sur jardin est construite entre 1658 et 1661 par l’architecte Simon Lambert pour les besoins de la famille du petit-fils du ministre.
Architecture
L’hôtel de Sully offre de frappantes ressemblances avec l’hôtel de Mayenne, son aîné d’une vingtaine d’années, probablement dû aussi à Jean Androuet du Cerceau : corps de logis entre cour et jardin, ailes en retour reliant le corps de logis aux pavillons sur rue.
La construction de l’hôtel de Sully a commencé en briques et pierres comme à l’hôtel de Mayenne, mais ce parti est abandonné dès 1625.
L’élément le plus sobrement classique est le passage d’entrée. Il est couvert d’une voute à caissons, son accès sur rue est formé par une arcade encadrée de colonnes doriques engagées; sur cour les colonnes sont nichées. Ce passage est surmonté d’une terrasse, ainsi l’espace intérieur se devine depuis la rue. Nulle part ailleurs dans l’hôtel on ne voit les ordres classiques : ni colonnes, ni pilastres. Pourtant le décor est abondant, peut-être un peu bavard. Il culmine dans les ailerons des lucarnes et dans les sculptures représentant les quatre éléments et les quatre saisons.
Ces sculptures, assez peu conventionnelles, ne s’accordent pas exactement avec l’esprit du temps. En revanche, les proportions des façades et la modénature sont caractéristiques du début du classicisme. Corniches et bandeaux soulignent l’horizontalité et la cohérence des façades. Les baies du rez-de-chaussée et les lucarnes ont des frontons cintrés tandis que les baies du bel étage ont des frontons triangulaires. Cette alternance répétée sur toutes les façades marque l’harmonie de l’ensemble. Les pavillons sur la rue n’ont que des frontons triangulaires au premier étage; pas de frontons au rez-de-chaussée, mais de grands frontons curvilignes couvrent les trois travées au niveau du comble.
Une irrégularité de la parcelle a fait que la symétrie de la façade sur cour n’a pas pu être reproduite sur la façade sur jardin. L’aile ouest sur jardin a remplacé le « jardin secret » auquel on accédait par trois arcades. Le symétrique de ces arcades existe encore de l’autre côté de la terrasse; c’est un mur renard.
Le comble de l’aile ouest sur jardin est percé de trois lucarnes. Les quatre travées de cette aile sont plus étroites que celles du corps de logis principal: quatre lucarnes auraient été trop resserrées. La lucarne du centre est fausse, car le comble à cet endroit est occupé par la coupole qui forme le plafond de la chambre du bel étage. Sur cette fausse lucarne figuraient les armes du duc de Sully.
L’orangerie, orientée au sud, occupe la partie nord de la parcelle, elle est surmontée d’un étage en surcroît dont les lucarnes ont un décor plus sobre que celui du corps de l’hôtel proprement dit. On y retrouve le jeu d’alternance des frontons mais ils sont disposés autrement : les cinq lucarnes du corps central ont un fronton cintré tandis que les quatre lucarnes des deux pavillons ont un fronton triangulaire. Le rez-de-chaussée du corps central est percé de cinq baies en plein cintre largement vitrées; c’est l’espace destiné à recevoir les plantes ne pouvant passer l’hiver dehors. Le bâtiment de l’orangerie offre un accès très discret à la place des Vosges.
À l’intérieur de l’hôtel, certains décors ont été conservés, notamment ceux du plafond de la salle où avaient lieu les réceptions. Celle-ci abrite aujourd’hui la librairie du Centre des monuments nationaux.
Histoire de l’occupation de l’hôtel de Sully
L’ancien ministre d’Henri IV séjourne peu en son hôtel. Louis Le Vau aménage de nouveaux appartements dans l’aile ouest de la cour en 1651 à la demande de Maximilien III, petit-fils du ministre et second duc de Sully. La famille Sully occupe l’hôtel jusqu’en 1752. Après la Révolution l’hôtel est acheté par des hommes d’affaires qui le transforment et le divisent, créant des planchers pour diviser les étages. Pendant un siècle et demi l’hôtel est peuplé d’ouvriers et d’artisans du meuble. Des magasins occupent le rez-de-chaussée des pavillons sur rue et de la cour. La terrasse entre les pavillons est remplacée par deux étages d’habitations. Des ateliers de peintres sont construits dans le jardin. L’orangerie est divisée dans sa largeur et dans sa hauteur pour créer des logements.
L’hôtel de Sully est classé en 1862, dès lors sa conservation est mieux assurée. L’Etat achète l’hôtel en 1944 et le bâtiment de l’orangerie en 1953. La restauration se fait par étapes sur une trentaine d’années. La Caisse nationale des monuments historiques (aujourd’hui Centre des monuments nationaux) s’installe dans l’hôtel de Sully en 1967.
À propos de l’hôtel de Sully
- L’hôtel de Sully (cour et jardin) est visible lors de la visite du Marais.
- L’article sur l’Hôtel de Mayenne.
- Jacques Houlet, L’Hôtel de Sully au Marais, Caisse nationale des monuments historiques, 1964.
- Alexandre Gady, L’hôtel de Sully, au coeur du Marais, Monum, Éd. du patrimoine, 2002.
- Alexandre Gady, Les Hôtels particuliers parisiens, Parigramme, 2011, p. 184-185.
- Une photographie de la façade sur cour au début du XXe siècle sur le site du musée Carnavalet.
- Sur l’histoire de Mesme Galet, voir Bruno Chanetz, « Mexme Galet, bâtisseur de l’hôtel de Sully, 2017 hal-01616282.
- Une gravure d’Israël Silvestre représentant l’orangerie en 1657, sur Gallica. Sur cette gravure les fenêtres du rez-de-chaussée ont des frontons curvilignes qui n’ont probablement jamais existé.
- Une gravure d’Israël Silvestre représentant la façade sur rue en 1657, sur Gallica. Sur cette gravure tous les frontons sont curvilignes et les portes des pavillons sont du côté du corps central et non du côté extérieur.
- Une photo de la cour avant restauration conservée à la Bibliothèque historique de la ville de Paris.
- Renée Plouin, « La restauration de l’hôtel de Sully à Paris », La Vie urbaine, n° 1, janvier-mars 1959, p. 1-11, disponible sur Gallica.